#1 Un voyage fraternel : récit d'une aventure en train unique
Pour ce premier numéro de notre newsletter consacrée au voyage, Joseph raconte la virée en Europe, en train avec son frère Samuel, autiste, et la façon dont ce séjour a renforcé le lien déjà indéfectible qui les unissait.
Samuel et Joseph, deux frères liés par les liens du coeur
Quand on parle des aidants de personnes handicapés, on parle généralement des parents, moins des frères et soeurs. Joseph et Samuel ont beau être nés de parents biologiques différents, ils ont été adoptés par une famille aimante, et les liens qui les unissent vont au-delà du sang. Dans une société peu adaptée au handicap, hors de question pour Joseph de laisser son frère aîné, sur le spectre du trouble autistique, sur le bas-côté. Y compris lorsqu'il s'agit de voyager.
Pour ce premier numéro de notre newsletter consacrée au voyage, il raconte leur virée en Europe, en train, et la façon dont ce séjour a renforcé le lien déjà indéfectible qui les unissait.
L'aventure du "Rail Trip", un voyage initiatique
Joseph et Samuel ont l'habitude de voyager ensemble. Si l'aîné est non-verbal, son handicap ne l'empêche pas de communiquer à sa manière avec son frangin. Ensemble, ils ont déjà eu l'occasion de partir au Mexique, en Afrique du Sud et à New York. Mais c'est surtout un beau voyage en train qui a marqué leurs esprits. "11 jours de déambulations ferroviaires et routières, aux quatre coins de France et de Navarre, sans oublier une digression vers l’Italie, ni un furtif passage en Suisse."
Un dernier au revoir aux parents, et les deux frères embarquent dans leur premier train, à Gare de Lyon. S'ils ont choisi le train, ce n'est pas un hasard : Joseph bénéficiant du statut accompagnant de personne en situation de handicap, le prix de leur "rail trip" reste raisonnable. Raisonnable et confortable, à tel point que Joseph et Samuel ont eu peur d'en rater leur arrêt.
Les premières retrouvailles
Ce voyage est, pour les deux frangins, l'occasion de retrouver un certain nombre de leurs cousins. Le premier, David, les rejoint à même le quai de la gare d'Avignon TGV. Un moment magique que Joseph a capturé en vidéo : "C’est alors que tout ce que nous avions couché sur papier, venait à prendre forme, à se concrétiser sur nos yeux. La beauté de l’envie, de la volonté de créer le mouvement et l’occasion est aussi prenante que celle de vivre le résultat." Les retrouvailles ne s'arrêtent pas là. Prochain arrêt : Charleval, et une grande maison familiale, pour retrouver le reste de leurs cousins. "Il y avait Yuta, Joao et Melo, leur joie de vivre. Il y avait Marjo, son teint halé, et toujours chaleureuse." Comme dans une chanson, les mots de Joseph peignent un tableau estival, chaud, festif.
De repas en discussions, les cousins renouent, font le point sur leurs vies respectives, et se redisent à bientôt. Le périple des deux frangins ne fait que commencer, et la prochaine destination est déjà dans leur ligne de mire : Lyon, la capitale des Gaules. Le voyage est rapide, une heure à peine en TGV, et deux nouveaux cousins à retrouver : Gaëlle et Julien. "Jul, comme l’aime appeler Gaëlle, plus particulièrement, s’est illustré comme un city guide savamment renseigné. C’est un Lyon sous une autre perspective, qu’il nous a alors été donné de visiter, une perspective sans nulle autre pareille."
Les cousins prennent alors le chemin de ce qu'ils appellent "la colline de l'amusement", un rooftop bar surplombant l'opéra lyonnais, avant de retrouver le reste de la famille de leurs hôtes, pour une nouvelle soirée aux couleurs festives. "S’en suivirent des retrouvailles réussies, dans l’antre de leur maison, pleine de vie et à la fois parfaitement en ordre, même Samuel, que l’on peut connaître souvent pointilleux, n’avait touché le moindre objet", précise Joseph, fier de son aîné. Car si Samuel est non-verbal, il sait toujours comment se faire comprendre, notamment en débarrassant la table pour signifier qu'il est temps d'aller se coucher : "Merci Samuel, sans quoi nous y resterions des heures, en oubliant que les nuits existent parce qu’il existe des journées !"
Un voyage transalpin
Après un délicieux repas à la brasserie Paul Bocuse, il est temps pour les deux compères de reprendre la route. Cette fois-ci, pas de train, mais bien un bus qui les attend à la gare routière. Direction : Milan ! "Les bouchons lyonnais, pas ceux dont on se délecte, ont presque eu raison de nous", s'amuse Joseph.
Malgré un départ différé, les deux frères ont vécu ensemble huit heures de bus. Un trajet qui pourrait en impressionner plus d'un, mais pas les Joseph et Samuel, qui bénéficient du premier rang, et d'une vue panoramique sur le paysage. "Vers 22h, nous avons posé le premier pied sur la lune, pardon, sur le sol italien. Samuel semblait content d’être enfin arrivé au bout de ce périple dans notre périple." Arrivés à destination, c'est Mathieu qui les accueille, sourire aux lèvres.
En métro, en tramway et à pied, la famille parcourt les rues de Milan, tout en dégustant le meilleur de la gastronomie italienne, avant de prendre la destination du Lac de Côme, puis celle de Genève, en Suisse cette fois-ci. Nouveau pays, nouvelle étape, et ville coup de cœur de Joseph, venu la découvrir un an plus tôt. "L'amour était resté intact, mais cette fois, j'y étais avec mon frère" : l'occasion parfaite pour renforcer leurs liens, en partageant un coup de foudre avant de revenir en France.
Samuel et Joseph ont poursuivi leur périple pendant plusieurs jours, en France, à la rencontre d'autres cousins. Mais lorsqu'ils sont rentrés chez eux, c'était avec un véritable "sentiment d'accomplissement" : "Le plaisir de l’avoir vécu, ce périple, comme on s’y projetait. Mon frère blotti sur mon torse, comme il aime." Mais aussi, "un début de nostalgie". Et Joseph de conclure : "Samuel affichait alors un sourire radieux. Qu’il m’a tout de suite transmis." Et à nous aussi.
Un sourire complice échangé, symbole d'un pacte fraternel indéfectible.
Si tout le voyage n’a été que bons souvenirs et franche camaraderie, un moment pourtant se détache aux yeux de Joseph. Il se rappelle: “Alors que nous pressions le pas pour choper notre train sur le quai de la gare à Genève, je me suis retourné et je l’ai vu: marchant d’un pas décidé, fier avec sa valise à roulettes et ce sublime sourire aux lèvres.” À cet instant, il comprend qu’ils viennent tous deux de signer un pacte tacite de toujours vivre ce genre de moments entre frères.
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